Chopin Ballade no 1 in G minor Op 23 with sheet music
Frédéric François Chopin
(né sous le nom polonais : Fryderyk Franciszek Chopin, parfois polonisé Szopen; au XIXe siècle, la graphie Szopę a été utilisée en Pologne en concurrence avec la graphie Chopin) est un compositeur et pianiste virtuose d’ascendance franco–polonaise, né en 1810 à Żelazowa Wola, sur le territoire du duché de Varsovie (actuellement en Pologne), et mort en 1849 à Paris.
Après sa formation au Conservatoire de Varsovie et un début de carrière en Pologne et à Vienne, il choisit d’émigrer en France (il est issu du côté de son père d’une famille lorraine originaire de Marainville-sur-Madon), où il développe son inspiration dans l’effervescence du monde pianistique parisien et dans le souvenir de sa patrie meurtrie. Il y rencontre George Sand, qui sera sa compagne pendant neuf ans.
Reconnu comme l’un des plus grands compositeurs de musique de la période romantique, Frédéric Chopin est aussi l’un des plus célèbres pianistes du XIXe siècle. Sa musique est encore aujourd’hui l’une des plus jouées et demeure un passage indispensable à la compréhension du répertoire pianistique universel. Avec Franz Liszt, il est le père de la technique moderne de son instrument et influence toute une lignée de compositeurs tels que Gabriel Fauré, Claude Debussy, Maurice Ravel, Alexandre Scriabine, Sergueï Rachmaninov, ou Olivier Messiaen.
Technique pianistique
À travers des monuments comme les Cycles d’Études op. 10 et op. 25, les 4 Ballades, les Nocturnes, les 24 Préludes op. 28, les 4 Scherzos, ou encore les deux concertos pour piano, Chopin a révolutionné le piano et a inventé une véritable école avec l’apport de nouvelles sonorités, ainsi qu’une nouvelle vision de l’instrument. Sa musique mélodieuse reste une des plus atypiques et adulées du répertoire romantique. Il disait lui-même :
« Quand je suis mal disposé, je joue sur un piano d’Érard et j’y trouve facilement un son tout fait ; mais quand je me sens en verve et assez fort pour trouver mon propre son à moi, il me faut un piano Pleyel. »
— Chopin.
Le jeu de Chopin n’était, aux dires des gens qui l’ont connu, jamais immuable, jamais fixé. Le caractère spontané de ses interprétations est décrit de la même façon par les auditeurs du Polonais. « Entendre le même morceau joué deux fois par Chopin, c’était, pour ainsi dire, entendre deux morceaux différents. » Comme le soulignait encore la princesse M. Czartoryska : « Tout comme il était sans cesse à corriger, changer, modifier ses manuscrits — au point de semer la confusion chez ses malheureux éditeurs face à la même idée exprimée et traitée parfois diversement d’un texte à l’autre —, ainsi se mettait-il rarement au piano dans le même état d’esprit et de disposition émotionnelle : en sorte qu’il lui arrivait rarement de jouer une composition comme la fois d’avant. »
« Toucher » pianistique
Le toucher de Chopin n’est aucunement dû au hasard. La volonté de nuancer d’une façon parfaite de ce musicien est le résultat de sa vision de la technique pianistique. Chopin développant sur ce sujet expliquait que
« …le but n’est pas de savoir jouer tout d’un son égal. Il me semble d’un mécanisme bien formé de savoir bien nuancer une belle qualité de son. On a longtemps agi contre nature [en] exerçant les doigts à donner de la force égale. Chaque doigt étant conformé différemment, il vaut mieux ne pas chercher à détruire le charme du toucher spécial de chaque doigt, mais au contraire le développer. Chaque doigt a de la force selon sa conformation. Le pouce, la plus grande, comme [étant] le plus gros, le plus court et le plus libre; le cinquième comme [formant] l’autre extrémité de la main; le 3me comme milieu et point d’appui, le second après et puis le 4me, le plus faible, celui qui est le siamois du troisième, lié à lui par un même ligament, et que l’on veut à toute force détacher du troisième – chose impossible et, Dieu merci, inutile. Autant de différents sons que de doigts – le tout, c’est de savoir bien doigter. Hummel a été le plus savant [?] à ce sujet. Comme il faut utiliser la conformation des doigts, il faut non moins utiliser le reste de la main, c’est [-à-dire] le poignet, l’avant-bras et le bras. Il ne faut pas vouloir jouer tout du poignet, comme Kalkbrenner prétend. »
— Frédéric Chopin: Esquisses pour une méthode de piano.
Liszt parlant du jeu de Chopin exprimait : « Vapeur amoureuse, rose d’hiver » ou encore ajoutait ceci : « Par la porte merveilleuse, Chopin faisait entrer dans un monde où tout est miracle charmant, surprise folle, miracle réalisé. Mais il fallait être initié pour savoir comment on en franchit le seuil ». En effet, Liszt avait compris que le terme rubato n’apportait rien pour comprendre le jeu de Chopin fondé sur une règle d’irrégularité : « Il faisait toujours onduler la mélodie… ; ou bien il la faisait mouvoir, indécise, comme une apparition aérienne. C’est le fameux rubato. Mais ce mot n’apprenait rien à qui savait, et rien à qui ne savait pas, aussi Chopin cessa d’ajouter cette explication à sa musique. Si l’on en avait l’intelligence, il était impossible de ne pas deviner cette règle d’irrégularité ».
« Regardez ces arbres » disait Liszt à ses élèves, « le vent joue dans leurs feuilles et réveille en eux la vie, mais ils ne bougent pas. »
« Note bleue »
Les témoignages qui restent des participants aux soirées parisiennes de la rue Pigalle font la description d’un salon aux lumières baissées où Chopin, entouré de ses compatriotes, leur jouait du piano. Assis devant l’instrument, il préludait par de légers arpèges en glissant comme à l’accoutumée sur les touches du piano jusqu’à ce qu’il trouve, par le rubato, la tonalité reflétant le mieux l’ambiance générale de cette soirée. Cette « note bleue », terme de George Sand qui y voyait « l’azur de la nuit transparente » (Impressions et souvenirs, 1841), était alors la base de ses improvisations, variations ou encore le choix d’une de ses œuvres dans la tonalité correspondante.
Schumann rapporte, non sans énervement, qu’à la fin de ce type de manifestation, Chopin avait comme manie de faire glisser rapidement sa main sur le piano de gauche à droite « comme pour effacer le rêve qu’il venait de créer ».
Composition musicale
Si le contexte de la production de certaines œuvres de Chopin est connu grâce aux témoignages de ses amis (l’Étude Révolutionnaire, certains préludes, la Valse de l’adieu, etc.), le mode habituel de composition du Polonais est tout aussi intéressant que ces situations particulières.
Selon les témoignages de ses amis, la création de Chopin était toute spontanée. Que ce soit devant le piano à raison d’une autre occasion, en promenade ou en méditation, l’étincelle initiale surgissait généralement en été. À partir de cette lueur de départ, après avoir traduit par la voix et le clavier son idée, Chopin commençait son long travail de perfection qui durait des semaines.
George Sand, parlant de cet aspect de l’homme qu’elle aimait, précisait qu’à ce stade « il s’enfermait dans sa chambre des journées entières, pleurant, marchant, brisant ses plumes, répétant ou changeant cent fois une mesure, l’écrivant et l’effaçant autant de fois et recommençant le lendemain avec une persévérance minutieuse et désespérée. Il passait six semaines sur une page pour en revenir à l’écrire telle qu’il l’avait tracée du premier jet. »
« Trois lignes raturées sur quatre. Voilà du vrai, du pur Chip-chip. »
Apports musicaux
La période musicale que Chopin a traversée a été marquée par une évolution singulière de la technique pianistique. À l’instar de ce qui avait été développé quelques années plus tôt par Paganini pour le violon, le piano a vu, dans de grands virtuoses du début du XIXe siècle, la voie du progrès. Liszt n’est pas le seul à avoir perfectionné la technique pianistique au cours des années 1830-1840 ; il affirme lui-même que de nombreuses avancées sont dues à Chopin.
Ces avancées sont notamment l’extension des accords (en arpèges, plaqués ou encore en batterie) ; les petits groupes de notes surajoutées à la partition tombant (comme le soulignait Liszt) « comme les gouttelettes d’une rosée diaprée par-dessus la figure mélodique ». Cette technique directement issue des « fioritures » de l’ancienne grande école de chant italienne a été, au piano, teintée par Chopin d’imprévu et de variété. Il inventa encore les progressions harmoniques permettant de masquer la légèreté de certaines pages d’un caractère indiscutablement sérieux.
Improvisation
Le XIXe siècle est l’époque des pianistes virtuoses dans leurs interprétations et improvisations. Ainsi, en passant par la mythique improvisation d’Hélène de Montgeroult sur La Marseillaise et les exploits techniques de Franz Liszt, Chopin était, d’après les témoignages de ses proches, un excellent improvisateur sur son instrument de prédilection :
« Dès l’âge le plus tendre, il étonnait par la richesse de son improvisation. Il se gardait bien cependant d’en faire parade ; mais les quelques élus qui l’ont entendu improviser pendant des heures entières, de la manière la plus merveilleuse, sans jamais rappeler une phrase quelconque de n’importe quel compositeur, sans même toucher à aucune de ses propres œuvres, ne nous contrediront pas si nous avançons que ses plus belles compositions ne sont que des reflets et des échos de son improvisation. Cette inspiration spontanée était comme un torrent intarissable de matières précieuses en ébullition. De temps en temps, le maître en puisait quelques coupes pour les jeter dans son moule, et il s’est trouvé que ces coupes étaient remplies de perles et de rubis. »
— Julian Fontana, Préface aux œuvres posthumes de F. C., p. 1-2.
D’autre part, lors de sa prime jeunesse, Chopin avait eu l’occasion de s’exercer longuement dans cet art lors de ses passages au château du grand-duc Constantin, et le marquis de Custine a énormément parlé des improvisations du jeune Polonais (cf. Chopin vu par ses contemporains).
Eugène Delacroix nous laisse un témoignage sur ce sujet :
« En revenant avec Grzymala, nous avons parlé de Chopin. Il me contait que ses improvisations étaient beaucoup plus hardies que ses compositions achevées. Il était en cela, sans doute, comme de l’esquisse du tableau comparé au tableau fini. »
— Eugène Delacroix, Journal, 20 avril 1853, II, p. 22.
Chopin et la musique de son temps
Intérêt modéré pour les compositeurs de son époque
Chopin fut l’ami des compositeurs Hector Berlioz, Robert Schumann, mais il n’appréciait que modérément leur musique, bien qu’il leur ait dédié certaines de ses compositions.
Liszt témoigne que Chopin appréciait extrêmement peu la musique d’autres compositeurs de son temps ou de l’époque classique, et ce, pour diverses raisons (« il n’apportait pas la plus légère louange à ce qu’il ne jugeait point être une conquête effective pour l’art ».
Concernant d’abord Beethoven, l’effroi caractérise ce que ressent Chopin (comme vis-à-vis de Michel-Ange ou Shakespeare) ; Mendelssohn lui paraît commun et il restait très nuancé concernant l’œuvre de Schubert.
Chopin est par ailleurs resté quasiment totalement à l’écart des luttes musicales romantiques de son temps, contrairement à Berlioz ou Liszt. Il représentait malgré tout de lui-même un idéal romantique qui resta utile aux autres compositeurs dans leur lutte.
Chopin et les « grands maîtres »
Chopin et Mozart
Mozart était, avec Bach, le seul maître dont Chopin se réclamait. Malgré tout, contrairement à Johann Sebastian Bach, il regrettait certains passages des œuvres du compositeur classique. Ainsi, si Chopin adorait le Don Giovanni de Mozart, il se désolait de certains moments de l’œuvre : Liszt l’expose en disant qu’« il parvenait à oublier ce qui le répugnait, mais se réconcilier avec, lui était impossible ».
Malgré tout, comparant la musique de Mozart à celle de Beethoven, Chopin affiche clairement son amour pour le premier :
« Quand Beethoven est obscur et paraît manquer d’unité, ce n’est pas une prétendue originalité un peu sauvage, dont on lui fait honneur, qui en est la cause ; c’est qu’il tourne le dos à des principes éternels ; Mozart jamais. Chacune des parties a sa marche qui, tout en s’accordant avec les autres, forme un chant et le suit parfaitement. C’est là le contrepoint, punto contrapunto. On a l’habitude d’apprendre les accords avant le contrepoint, c’est-à-dire la succession des notes qui mène aux accords. Berlioz plaque des accords et remplit les intervalles comme il peut. En musique, la logique pure c’est la fugue. Être savant dans la fugue, c’est connaître l’élément de toute raison et de toute conséquence. »
Selon le vœu de Chopin, le Requiem de Mozart, considéré par le Polonais comme étant d’une beauté exceptionnelle, fut d’ailleurs interprété intégralement par l’orchestre du Conservatoire de Paris dirigé par Narcisse Girard lors de ses obsèques, en l’église de la Madeleine à Paris, le 30 octobre 1849. La petite histoire retiendra qu’une dérogation fut accordée à cette occasion par le clergé car, à cette époque, les voix féminines n’étaient pas admises aux offices religieux. Les solistes, Pauline Viardot et Madame Castellan, furent donc dissimulées par une draperie noire derrière l’autel.
Chopin et Schubert
Certaines œuvres de Schubert n’étaient pas volontiers écoutées par Chopin. Liszt nous éclaire sur ce sujet en rapportant que Chopin n’appréciait pas les œuvres de Schubert, « dont les contours étaient trop aigus pour son oreille, où le sentiment est comme dénudé. Toutes les rudesses sauvages lui inspiraient de l’éloignement. En musique, comme en littérature, comme dans l’habitude de la vie, tout ce qui se rapproche du mélodrame lui était un supplice ». Chopin, parlant de Schubert, dit un jour à Liszt : « Le sublime est flétri lorsque le commun ou le trivial lui succède. »
Ballade en sol mineur, op. 23
La Ballade no 1 en sol mineur, opus 23, est la première des quatre ballades de Chopin.
Écrite pendant les premières années de séjour à Paris, Frédéric Chopin dédia cette œuvre à “Monsieur le Baron de Stockhausen”, Ambassadeur de Hanovre en France mais aussi harpiste. Éditée en 1836, elle est le premier morceau de musique instrumentale à porter le nom de ballade.
Chopin cita lui-même l’œuvre du poète Adam Mickiewicz comme source d’inspiration pour ces ballades (selon une rumeur basée sur une remarque de Robert Schumann concernant la création de la seconde ballade de Chopin). Mais la réalité de cette inspiration n’est toutefois pas démontrée.
Analyse
L’œuvre commence par une introduction lente (largo), dans un aspect mystérieux dont l’effet est souligné par le motif de trois notes (espress.) jouée après un silence et associé à un accord dissonant. Certains éditeurs modifieront cet accord pour le rendre plus banal.Il permet l’introduction de la narration.
Si le tempo initial est calme, le premier thème exprimé contient les prémices d’une extrême agitation. Le tempo s’accélère ensuite en parallèle d’un tension de plus en plus présente due à l’obstination “passionnée” du motif en croches du premier thème. À la fin du premier thème, les quartes et les quintes à vide marquent le début du second thème en mi bémol majeur. Ce thème est une mélodie lyrique douce avec de rapides transformations harmoniques. L’accompagnement diffère des modèles classiques de l’époque : les notes isolées à la main gauche ne forment pas d’accords brisés, mais appartiennent à diverses fonctions qui ne sont pas pleinement réalisées. Très divers et très simples, ils accentuent la délicatesse de ce thème. La présence des arabesques issues du premier thème, à la fin de l’exposition, participent de cette intimité exprimé par le second thème.
Lorsque le premier thème revient, il est transformé, en la mineur, avec un ostinato sur la note mi, est beaucoup plus dissonant que la section précédente. Au lieu de la seconde phrase, le compositeur répète à différentes hauteurs un seul motif mélodique avec un unique accord d’accompagnement dissonant, augmentant l’intensité jusqu’à son climax au moment du second thème, qui est lui aussi transformé. Le second thème est en la majeur (rapport de triton entre les tonalités). La cantilène se transforme en un chant puissant qui éclate dans les accords joués. La mélodie, de plus en plus étendu par les progressions et nouveaux motifs devient extatique. Les modulations se succèdent, augmentant le rythme et la virtuosité de la pièce.
On retrouve une nouvelle fois le second thème, cette fois dans sa tonalité d’origine (mi bémol majeur), puis revient le premier thème, dans sa tonalité de sol mineur . La coda (presto con fuoco) est chargée en traits, motifs changeants et harmonies chargées. Sous l’avalanche des gammes montantes et descendantes, on entend vers la fin résonner par bribes comme un écho de l’introduction. La conclusion se fait par des octaves chromatiques avec leurs appoggiatures, en mouvements contraires depuis les deux extrémités du clavier.
Le morceau se développe autour de deux thèmes, l’un exposé dès la 7e mesure après l’introduction, le second apparaissant à la mesure 69. La signature rythmique est majoritairement en (6/4) bien que l’introduction et la coda soient respectivement en 4/4 et 2/2.
L’œuvre demande une grande technique pianistique et une dextérité importante, comprenant de larges accords, des suites d’octaves, des passages très rapides et même une succession d’octaves chromatiques à la fin de la pièce. La structure est un mélange de la forme sonate et de la forme en variations.
Postérité
Frédéric Chopin montra cette pièce à Robert Schumann en septembre 1836, Robert Schumann en fut très enthousiaste. Selon lui, c’était l’œuvre la plus remarquable de Frédéric Chopin. Ce dernier lui offrit la partition de l’œuvre.
La Ballade en sol mineur inspira à George Sand l’œuvre poétique Les Exilés qui parut dans la Gazette musicale le 9 septembre 1838, précédée d’une lettre de l’autrice au compositeur.
Culture populaire
Cette ballade connut un regain de popularité auprès du grand public à la suite de sa présence dans le film Le pianiste de Roman Polanski.
Elle se retrouve également à nouveau sous les feux de la rampe par l’entremise du patinage artistique, entre 2015 et 2017, via les prestations, en programme court, du jeune prodige champion olympique Yuzuru Hanyu.
Elle est également utilisée dans le dernier épisode de l’animé Shigatsu wa Kimi no Uso.
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