Claude Debussy – Arturo Benedetti Michelangeli, piano joue Préludes Volume 1

Claude Debussy est un compositeur français né le 22 août 1862 à Saint-Germain-en-Laye et mort le 25 mars 1918 à Paris. Vous pouvez avoir ses partitions dans notre Bibliothèque.

Claude Debussy Préludes, Book 1

00:00 I Danseuses de Delphes. Lent et grave 03:08 II Voiles. Modéré 07:07 III Le vent dans la plaine. Animé 09:19 IV Les sons es les parfums tournent dans l’air du soir. Modéré 12:55 V Les collines d’Anacapri. Très modéré 16:09 VI Des pas sur la neige. Triste et lent 20:13 VII Ce qu’a vu le vent d’Ouest. Animé et tumultueux

23:51 VIII La fille aux cheveux de lin. Très calme et doucement expressif 26:17 IX La sérénade interrompue. Modérément animé 28:53 X La cathédrale engloutie. Profondément calme 35:17 XI La danse de Puck. Capricieux et léger 38:12 XII Minstrels. Modéré Arturo Benedetti Michelangeli, piano

En posant en 1894 avec Prélude à l’Après-midi d’un faune le premier jalon de la musique moderne, Debussy place d’emblée son œuvre sous le sceau de l’avant-garde musicale. Il est brièvement wagnérien en 1889, puis anticonformiste le reste de sa vie, en rejetant tous les académismes esthétiques.

Avec La Mer, il renouvelle la forme symphonique ; avec Jeux, il inscrit la musique pour ballet dans un modernisme prophétique ; avec Pelléas et Mélisande, l’opéra français sort des ornières de la tradition du drame lyrique, tandis qu’il confère à la musique de chambre, avec son quatuor à cordes et son trio, des accents impressionnistes inspirés.

Une part importante de son œuvre est pour le piano (la plus vaste de la musique française avec celle de Gabriel Fauré) et utilise une palette sonore particulièrement riche et évocatrice.

Claude Debussy laisse l’image d’un créateur original et profond d’une musique où souffle le vent de la liberté. Son impact sera décisif dans l’histoire de la musique. Pour André Boucourechliev, il incarnerait la véritable révolution musicale du vingtième siècle.

Plus encore que les romantiques, Debussy marque une rupture avec la forme classique, bien que la perfection formelle et le sens de l’unité qui structurent ses compositions en fassent, d’une certaine manière, un « classique ». Sa musique se distingue en effet par une architecture secrète, mais souveraine : inspirée parfois des musiques orientales, elle anticipe tantôt le jazz, tantôt la musique contemporaine, mais n’exprime souvent que son propre mystère.

Les thèmes sont épars, disséminés, les recherches harmoniques audacieuses, les nuances infinies et les rythmes complexes. Le discours musical debussyste donne globalement l’impression d’être à la fois logique et imprévisible et d’obéir à une rationalité imparable, mais inconnue, à une « arithmétique occulte ».

Ses œuvres sont de prime abord sensorielles, elles visent à éveiller chez l’auditeur des sensations particulières en traduisant en musique des images et des impressions précises. Les titres évocateurs de ses pièces illustrent d’ailleurs assez bien cette ambition, même s’ils ne sont qu’indicatifs et ne constituent pas de « programme » :

Des pas sur la neige, La Fille aux cheveux de lin, Ce qu’a vu le vent d’Ouest, La Cathédrale engloutie, etc. (Préludes). Il substitue de cette manière les couleurs aux notes (et préfigure ainsi ce kaléidoscope de timbres que la Seconde école de Vienne appellera klangfarbenmelodie) : il n’est qu’à écouter Arturo Benedetti Michelangeli, Walter Gieseking ou Claudio Arrau pour accéder à cette synesthésie. Ainsi, même s’il est difficile de le rattacher à un courant artistique, on le qualifie généralement d’« impressionniste », étiquette qu’il n’a lui-même jamais revendiquée et qui est plutôt abandonnée aujourd’hui.

Ces Préludes, « avant-propos éternel d’un propos qui jamais n’adviendra » (Vladimir Jankélévitch), illustrent plutôt une conception nouvelle du temps et de l’espace musical, qui transcende les catégories esthétiques connues jusqu’alors, et s’affranchit précocement aussi bien du post-romantisme que d’un impressionnisme strictement décoratif. Alberto Savinio moquera Debussy « et son oreille molle d’animal marin », mais c’est bien une construction forte et précise qui informe les œuvres de ce compositeur, dont la pensée musicale intempestive constitue, pour reprendre une formule de Friedrich Nietzsche, « un événement européen ».

La mobilité et l’imprévisibilité permanentes du discours musical sont des caractéristiques essentielles de l’esthétique debussyste, et non le signe d’un quelconque vice de forme : « à la limite tout est transition », écrit à ce propos Harry Halbreich.

On pourrait dès lors rattacher cette révolution artistique à une énergie spirituelle nouvelle : une fragmentation, une dissolution et une dispersion des données de la conscience, toutes choses qui nous dirigeraient vers l’idée bergsonienne d’une hétérogénéité du temps à l’espace, dont l’œuvre de Proust est, en littérature, l’exemple le plus frappant (Richard Wagner faisait déjà dire à Parsifal : « Ici, le temps devient espace »).

Sans aller jusqu’à établir des parallèles historiques (la modernité et sa marche accélérée), ou scientifiques (la physique quantique et sa liquidation de la temporalité linéaire), il est certain que les forces d’apesanteur et de déracinement qui singularisent la musique de Debussy, et qu’on pourrait croire produites par une évaporation et une relativisation des structures architectoniques de la partition, sont en réalité partie intégrante de l’économie générale de son œuvre, et contribuent à l’expression d’une vision du monde dont la portée est d’une profondeur incommensurable à la seule analyse esthétique.

Si bien que la musique de Debussy est tout sauf atmosphérique, et porte en elle une force d’expression et une forme de beauté radicalement neuves et singulièrement puissantes. Comme Nietzsche disait que « les Grecs étaient superficiels par profondeur », l’œuvre de Debussy est légère par gravité : on peut la taxer d’impressionniste, de symboliste, de fauviste ou de pointilliste, pourvu qu’on n’entende pas par là une configuration arbitraire des formes, mais une voie d’accès à l’être même des choses et comme la possibilité d’ouverture d’une porte étroite sur la vérité du monde. Le style, disait aussi Marcel Proust, est affaire non de technique, mais de vision.

De caractère non conformiste et créateur iconoclaste, Debussy n’aura ainsi pas eu de réels devanciers ni de successeurs proclamés, mais il doit beaucoup à la musique de Wagner qu’il raillait constamment, et tout un pan de la musique du XXe siècle lui est à son tour redevable. Son innovation principale réside dans le refus du développement et de la forme-sonate de type A-B-A’ qui malgré les variations et les innovations que lui auront apportées entre autres Beethoven, Brahms et Bruckner, contraint le compositeur à avancer selon un schéma fixe et prédéfini (« Au secours ! Il va développer ! », est le cri d’alarme parfois attribué au Debussy auditeur de concert).

Mais, du même coup, Debussy affronte plus qu’aucun autre la liberté absolue du créateur, fixant lui-même les règles de l’œuvre qu’il invente. C’est en cela qu’il appartient indéniablement à ce XXe siècle qui commence avec lui plus qu’avec Wagner, dont le Tristan et Isolde était selon ses propres mots « un beau coucher de soleil que l’on a pris pour une aurore ».

Il est cependant remarquable que Debussy, fidèle comme Baudelaire « aux nuages qui passent, aux merveilleux nuages » (Nocturnes), n’adopte jamais de formules figées ou de système de composition arbitraire, comme ce sera par ailleurs le cas dans le sérialisme de Schoenberg, tout en construisant des œuvres d’une extraordinaire cohérence interne (Jeux, son œuvre la plus audacieuse est le point d’aboutissement de cette révolution formelle). Cette esthétique est si novatrice qu’elle suscite des controverses entre debussystes et anti-debussystes.

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Il aura aussi trouvé, dans une attention scrupuleuse aux mille échos physiques et poétiques des sonorités et dans la transgression de la rhétorique musicale traditionnelle, une expressivité unique et une forme de sensualité qui ne débouchent sur aucun hermétisme ni aucun intellectualisme (Prélude à l’après-midi d’un faune).

Alors qu’auparavant la mélodie et le déroulement « horizontal » de la musique primaient sur tout autre paramètre, Debussy accorde au timbre de chaque instrument un rôle dramatique en soi : avec lui, le son lui-même prend du sens, et non plus seulement l’architecture globale de l’œuvre. Cette modification constitue une révolution dans l’attitude mentale européenne qui identifie généralement la beauté à l’élaboration raisonnée d’un travail construit, d’où toute improvisation est impitoyablement bannie.

Et si la musique de Debussy est tout sauf improvisée, elle peut néanmoins donner ce sentiment jusque dans ses œuvres les plus savantes, comme les Études, où l’exploration systématique de la technique pianistique se conjugue pourtant magiquement au sentiment de la plus totale liberté.

Dans son unique opéra achevé, Pelléas et Mélisande, peut-être son chef-d’œuvre, il parvient à exprimer l’inexprimable avec des « correspondances mystérieuses entre la Nature et l’Imagination »et créer un climat « d’inquiétante étrangeté » à travers un lyrisme réinventé (taxé parfois d’anti-lyrisme) et une temporalité fondée sur le vécu intérieur de la conscience, sans que l’on puisse pour autant parler de « drame psychologique » : comme l’écrit Jerry Fodor, « c’est un opéra dans lequel tout est mystérieux parce que rien n’est caché ».

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Son génie de l’orchestration et son attention aiguë aux couleurs instrumentales font de Debussy le digne héritier de Berlioz et l’égal au moins de son contemporain Ravel. Mais surtout, son art de l’instantané qui « fixe des vertiges » (Images pour orchestre) et s’affranchit de la logique rationnelle au profit d’un « dérèglement de tous les sens » (L’Isle joyeuse), jusqu’à adopter le point de vue de l’enfant « amoureux de cartes et d’estampes » (Estampes), font de lui un frère spirituel de Baudelaire et de Rimbaud, mais aussi de Verlaine : « De la musique avant toute chose/Et pour cela préfère l’Impair/Plus vague et plus soluble dans l’air,/Sans rien en lui qui pèse ou qui pose. »

La rupture que Debussy instaure volontairement entre le goût classique, dont musiciens et mélomanes possèdent les codes, et la musique nouvelle qu’il défend, est l’une des racines du divorce partiel entre le public et la musique contemporaine. D’une audace imprévisible, mais d’une sûreté de goût absolue, harmoniste inclassable et dramaturge subtil, Debussy est comme Rameau auquel il a rendu hommage dans ses Images pour piano, un compositeur d’esprit très français (il signait d’ailleurs certaines de ses partitions Claude de France).

Mais grâce à la révolution qu’il opère dans l’histoire de la musique, à travers les ponts qu’il lance en direction des autres arts et des multiples sensations qu’ils éveillent (les sons et les parfums, les mots et les couleurs), il fait accéder sans doute mieux qu’aucun autre la musique française à l’universalité : celle du corps, de la nature et de l’espace.

À ce titre, le chef d’orchestre Sergiu Celibidache qui, par le recours à la phénoménologie de la musique, a su restituer les sonorités de l’orchestre telles qu’elles nous parviennent, indépendamment des cadres d’analyse hérités et des formules apprises, a contribué peut-être mieux que quiconque à dévoiler la puissance émotionnelle brute que contiennent les plus belles pages de Debussy (dont La Mer, « Bible musicale française » selon lui).

Messiaen, Takemitsu, Dutilleux et de nombreuses figures incontournables de la musique du XXe siècle reconnurent en Debussy si ce n’est leur maître commun, du moins celui grâce auquel la musique occidentale tout entière pouvait connaître une nouvelle et magistrale Renaissance.

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